24.03.2017 par Raphaël Zbinden
“Cherche balayeur ‘préférablement’ chrétien ou hindou”. Tel est en substance le contenu d’une offre d’emploi parue en mars 2017 dans un journal pakistanais. Le cas démontre que les discriminations envers les minorités religieuses sont encore vivaces dans ce pays à large majorité musulmane sunnite.
Le journal en langue Ourdoue, diffusé dans le district de Bannu, à 300 km au sud-ouest de la capitale Islamabad, a publié l’annonce pour le compte de l’administration locale, rapporte Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. L’offre d’emploi précisait préalablement que les personnes intéressées devaient être de religion hindoue, chrétienne ou chiite. Face au tollé soulevé par le caractère ouvertement discriminatoire de l’annonce, l’administration en question a corrigé le texte. Les responsables ont spécifié que le terme “chiite” s’était glissé par erreur dans l’annonce. Ils ont néanmoins maintenu que les balayeurs devaient être “préférablement” de religion chrétienne ou hindoue, sous-entendant qu’un musulman ne pourrait pas faire ce genre de travail subalterne. L’affaire fait apparaître que la discrimination dont souffrent les minorités religieuses au Pakistan s’étend jusque dans le domaine du travail.
Les chrétiens relégués aux tâches “ingrates”
Le recensement en cours dans le pays va permettre, au-delà du dénombrement des habitants, de fournir des informations intéressantes quant aux emplois occupés par chacun, note EdA. Les musulmans représentent 97% de la population (dont 11 à 12% de chiites), les minorités chrétiennes 2,1 % et hindoue 1,3%. Ces dernières sont non seulement en butte à une persécution fondée juridiquement sur les lois anti-blasphème mais à des discriminations sociales profondément ancrées. Si une petite minorité éduquée de chrétiens a accès à un niveau de vie satisfaisant, la très grande partie de la communauté se situe tout en bas de l’échelle sociale. Ils sont souvent journaliers pour les paysans sans terre des campagnes, balayeurs, éboueurs, ou encore vidangeurs.
Plus facilement exploitables
Hyacinth Peter, de la Commission Justice et Paix du diocèse catholique de Multan, au Pendjab, dénonce “la discrimination caractérisée et répétée” que reflètent les offres d’emploi. Elle mentionne d’autres cas que celui du district de Bannu, où des annonces pour des travaux “ingrats” ne s’adressaient qu’aux non-musulmans. “Nous condamnons ce type d’annonces et nous demandons aux autorités de Bannu de faire paraître une nouvelle offre d’emploi ne faisant pas mention d’une appartenance religieuse particulière”, lance la responsable catholique. Elle précise que si les balayeurs et éboueurs non musulmans sont préférés, c’est parce qu’ils sont plus facilement exploitables. Au Pakistan, pas plus de 5% des éboueurs seraient ainsi de confession musulmane.
Afin de contribuer à la promotion sociale de ces travailleurs déconsidérés, les Eglises chrétiennes travaillent à leur formation, à l’éducation de leur famille, ainsi qu’à la défense de leurs droits. (cath.ch/eda/rz)
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