L’État du Bengale occidental, dans l’est de l’Inde, vote, samedi 27 mars, pour renouveler son Assemblée législative. La dirigeante Mamata Banerjee, surnommée « Didi », tente de conserver la majorité face au parti nationaliste hindou du premier ministre Narendra Modi, le BJP.
Adélaïde de Valence, le 27/03/2021
Depuis des mois, les faits de violence qui se multiplient au Bengale occidental – intimidations, menaces, corps sans vie flottants dans de sombres rivières – attestent du climat très tendu dans cet État de 90 millions d’habitants, dans l’est de l’Inde, alors que démarrent des élections législatives, qui s’y dérouleront à huit dates différentes sur un mois, entre ce samedi 27 mars et le 29 avril.
Ces élections opposent le parti All India Trinamool Congress (AITC), au pouvoir dans cet État indien, incarné par Mamata Banerjee, au Bharatiya Janata Party (BJP), le parti nationaliste hindouiste du premier ministre indien Narendra Modi. La « tigresse du Bengale », nommée ainsi par son adversaire, est bien déterminée à ne pas laisser sa place, qu’elle occupe depuis dix ans et maintenant deux mandats.
Mamata Banerjee, affectueusement surnommée « Didi » – « grande sœur » Depuis les élections nationales de 2014, l’influence de Narendra Modi s’accroît dans le pays, où son parti s’impose, région après région. Il y est majoritaire dans 17 États ou territoires, sur les 36 que compte l’Inde. Aux précédentes élections législatives, en 2016, Mamata Banerjee, affectueusement surnommée « Didi » – « grande sœur » – par ses électeurs, avait obtenu haut la main 80 % des 269 sièges de l’assemblée. Le BJP en avait difficilement obtenu trois.
Cette écrasante victoire ne devrait pas se reproduire, si l’on en croit les derniers sondages d’opinion qui donnent l’AITC victorieux à 42 % des voix, contre 37 % pour le BJP. Une estimation serrée qui ne laisse pas indifférents les 90 millions de Bengalis, dont la région, historiquement, a toujours été gouvernée depuis 1977 par des partis d’opposition au gouvernement national. « Cela serait terrible pour le Bengale. C’est un État qui a toujours été très tolérant et respectueux des minorités » s’inquiète une source locale, qui se dit « effrayée d’une possible issue du vote en faveur du BJP. »
Un rempart au parti nationaliste hindou
À 66 ans, la charismatique Mamata Banerjee avait pris la gouvernance de la région après 34 ans de gouvernance communiste, gagnant ainsi sa réputation de bagarreuse. « C’est une position qu’elle a obtenue en s’appuyant sur le vote des masses rurales et en choyant un électorat musulman minoritaire », qui représente 28 % de la population d’un état à majorité hindoue, retrace Philippe Benoit, responsable de la section de bengali de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (Inalco).
C’est notamment sur ce dernier point que Mamata Banerjee est attaquée par ses adversaires. Elle est accusée de « laxisme » envers la communauté immigrée, à majorité musulmane, en provenance du Bangladesh, et que ses opposants n’hésitent pas à qualifier de « termites ». Une idéologie nationaliste hindoue teintée de racisme, que prône par le parti BJP et qui inquiète. Au cours de la campagne électorale, le Ministre de l’intérieur Amit Shah a promis dans un tweet : « Un Bengale sûr, un Bengale sans apaisement (entre communautés, NDLR), un Bengale sans infiltration (de migrants, NDLR), nous ramènerons le Bengale qui a rendu toute la nation fière. »
Un tel discours a profondément indigné la communauté intellectuelle et artistique du Bengale occidental. « C’est une communauté qui se tourne massivement vers le parti de Mamata Banerjee, alors qu’historiquement, elle n’avait jamais voté pour ce parti. Mais ils la perçoivent désormais comme un rempart au BJP », décrypte Philippe Benoit. LE BJP, précisément, aurait investi beaucoup d’argent dans ces élections, au cours desquelles plus d’une cinquantaine de députés locaux se seraient détournés de Mamata Banerjee, pour former les listes de l’opposition, et que les locaux appellent sans complaisance « les turned coats », littéralement « ceux qui ont retourné leurs vestes ».
Les résultats de l’élection seront dévoilés le dimanche 2 mai. « Le Bengale occidental va résister, comme il l’a toujours fait », prédit encore une source locale. D’autres élections régionales se tiendront dans les prochaines semaines, dans l’Assam, le Tamil Nadu et le Kerala.